par Luis Ángel Saavedra
mardi 12 décembre 2017, mis en ligne par Dial
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Mercredi 22 novembre 2017. Les dirigeants d’Alianza País ont décidé de destituer Lenín Moreno de la présidence de cette organisation.
Le mouvement au pouvoir Alianza País (AP), jadis puissant, fait eau de toute part. Il est sur le point de couler à pic, si ses dirigeants nationaux persistent à soutenir ceux qui ont gouverné aux côtés de Rafael Correa durant 10 ans, tandis que leurs bases et les dirigeants provinciaux sont de plus en plus séduits par le style nouveau de l’actuel mandataire Lenín Moreno et par ses appels constants au dialogue.
Ce qui n’était au début que joutes oratoires entre les deux principaux responsables de l’AP, Correa et Moreno, est vite devenu une fracture irréconciliable qui a obligé les militants de cette bataille politique à manifester leur soutien à l’un ou à l’autre.
La situation juridique de Jorge Glas, vice-président élu aux côtés de Moreno, a amplifié la fracture car elle est devenue le symbole de la corruption qui aurait régné sous le régime de Correa, au pouvoir de 2007 à 2017. En août, Moreno a démis Glas de toutes ses fonctions.
Glas a été arrêté le 2 octobre et convoqué devant la justice. Il est accusé d’avoir dirigé une association illégale qui a exigé des dessous de table pour divers contrats passés avec l’État, par l’intermédiaire de son oncle Ricardo Rivera qui, sans avoir aucune fonction dans le gouvernement de Correa, s’est chargé des négociations de l’État avec l’entreprise de construction brésilienne Odebrecht et d’autres entreprises chinoises. D’énormes projets d’infrastructures et d’exploitation pétrolière ont été signés avec ces dernières.
Les désaccords au sein de l’AP ont conduit à une prise de contrôle sur ce mouvement politique, qui était présidé par Moreno, tandis que les deux vice-présidents, Glas et Ricardo Patiño, sont de fidèles défenseurs de Rafael Correa.
Le 30 octobre, neuf membres de la Direction nationale de l’AP ont destitué Moreno de la présidence de l’organisation politique et ont nommé Patiño nouveau chef suprême de ce mouvement. Gabriela Rivadeneira, membre de l’assemblée, secrétaire nationale du Parti, a affirmé que la destitution était motivée par ses absences, en plus de trois occasions, à des réunions de la direction nationale du parti et par des « activités contraires à l’unité organique du mouvement ». Ce groupe de l’AP a également fait parvenir un dossier à la Commission d’éthique du parti pour qu’elle étudie la possibilité d’expulser Moreno de ses rangs.
Conflits pour dénonciation de corruption
Cette décision n’a pas été acceptée par José Serrano, président de l’Assemblée nationale, qui l’a qualifiée d’illégale. Le Tribunal d’éthique convoque maintenant ceux qui ont destitué Moreno pour qu’ils précisent les raisons qui les ont conduits à assumer des fonctions qui n’étaient pas de leur compétence et, pire, à procéder à une destitution sans concertation, car ils n’ont pas même notifié à Moreno que sa destitution serait examinée dans une réunion de la Direction nationale.
Patiño, de son côté, dénonce un acharnement contre ceux qui ne sont pas d’accord avec les politiques conduites par le gouvernement, raison qui expliquerait qu’on ait recours à la Direction générale du Trésor de l’État ; il cite en exemple l’expression utilisée — responsabilité civile fautive constituant un préjudice économique pour l’État – par cette entité à l’encontre de Marcela Aguiñaga, membre de l’assemblée, concernant le paiement d’une somme excessive, de 41 millions de dollars, pour l’achat de terrains à l’Institut de la Sécurité sociale des Forces armées quand elle était ministre de l’Environnement (2007-2012).
Les accusations de Patiño font référence aux agissements de Correa, car la récupération des arguments utilisés par la Direction du Trésor à l’encontre de politiciens opposants a été la meilleure arme pour réduire au silence ceux qui s’insurgeaient contre ses politiques. Ce fut le cas de Salvador Quishpe, préfet indien de Zamora Chinchipe, ou bien de Tarquino Cajamarca, maire de Limón Indantza, deux localités où se développent des projets miniers à grande échelle.
« Ils leur administrent une cuillerée de leur propre soupe », remarque Cajamarca, qui officie en tant qu’avocat auprès des personnes déplacées par les projets d’exploitation minière.
Le théâtre la plus visible de ces affrontements est l’Assemblée nationale, où les parlementaires de l’officialisme ont commencé à définir leurs positions, écartant les affirmations selon lesquelles le bloc législatif de l’AP était fortement uni, comme il l’avait démontré en refusant de soutenir la demande de procès politique contre Glas.
« L’Assemblée nationale doit attendre que la justice fasse son travail et ne pas intervenir. » Telle a été la consigne derrière laquelle se sont réfugiés les parlementaires de la majorité pour ne pas avoir à donner suite à la requête de l’opposition.
Alors que la débandade de la majorité parlementaire était évidente, l’opposition a relancé l’idée d’un procès politique contre Glas et a présenté, le 8 novembre, une nouvelle requête auprès du Secrétariat de la législature, qui a recueilli 65 signatures, y compris celle de la parlementaire de l’AP Marcia Arregui, de la province centrale de Los Ríos.
« Je suis dévouée à ma province, à la base qui m’a élue, et la base dit qu’il faut juger Jorge Glas », a déclaré Arregui pour défendre sa position et justifier son éloignement de la consigne de préserver les apparences en feignant l’unité.
Les parlementaires de la majorité dans leur labyrinthe
La nouvelle requête de jugement politique a obligé les membres de l’Assemblée de l’AP à se réunir le jour même, en urgence, pour convenir d’une position commune, ce qui n’a pas été possible ; ils ont opté pour une déclaration de soutien à Moreno sans mentionner le jugement politique contre Glas. La lettre de soutien a recueilli 47 signatures, 19 membres de l’Assemblée se sont abstenus. Fait nouveau : Soledad Buendía et Viviana Bonilla, parlementaires proches de Correa, ont également signé la lettre de soutien au mandataire.
La lettre de soutien au gouvernement, diffusée par Serrano en tant que président de l’Assemblé nationale, annonce aussi le soutien à l’appel, lancé par Moreno le 18 septembre, d’organiser une consultation populaire comprenant sept questions, dont une concernant notamment l’impossibilité d’être réélu pour une durée indéterminée. Dans le cas où elle obtiendrait une réponse positive, cela mettrait fin à toutes les aspirations des partisans de Correa de voir à nouveau leur chef accéder au pouvoir.
D’autres questions posées par l’exécutif concernent la suppression de leurs droits politiques aux coupables de corruption, la limitation de l’extraction de métaux, et la fin de la prescription des violences sexuelles commises contre des enfants et des adolescents. Le questionnaire a été remis à la Cour constitutionnelle qui devra se prononcer, sans que soit fixé un délai précis. Ultérieurement la procédure relèvera du Conseil national électoral (CNE), qui sera chargé de la convocation officielle.
Daniel Mendoza, également parlementaire de l’AP, lors de déclarations publiques a indiqué que le soutien à la consultation populaire sous-entendait un appel à répondre affirmativement aux sept questions, ce qui a suscité la colère de Buendía.
« Monsieur Mendoza est un menteur. Je lui signale que j’en ai assez qu’il parle toujours au nom du groupe. Monsieur Mendoza ne représente pas le groupe », a-t-elle déclaré. Buendía a précisé que c’était la consultation qu’il soutenait, car le peuple a le droit d’être consulté, mais pas le contenu des questions. Bonilla de son côté s’est limité à dire qu’il était temps de refermer les brèches qui s’étaient ouvertes au sein de l’AP.
Une fois le calme revenu après les déclarations enflammées de part et d’autre, la seule chose qui est ressortie de la réunion des parlementaires de l’AP est qu’ils étaient en désaccord.
« Nous sommes d’accord sur le fait que nous pouvons être en désaccord », a conclu Mendoza, désavouant définitivement la version d’unité défendue par le groupe.
Tandis que la majorité des militants de l’AP sont en train de choisir le camp dans lequel ils se rangeront pour l’avenir, d’autres restent dans l’expectative et préfèrent ne pas se prononcer. Le parlementaire Jorge Yunda, par exemple, n’a pas de position claire car, sous le gouvernement de Correa, il a réussi à consolider son emprise sur un large réseau de fréquences radiophoniques et télévisuelles en dépit du rapport de l’audit sur les fréquences réalisé précisément sous ce même gouvernement. Il craint aujourd’hui que le gouvernement actuel s’intéresse de nouveau à la manière dont il s’est constitué cet empire médiatique.
Traduction de Françoise Couëdel, relue par Gilles Renaud.
Source (espagnol) : https://www.noticiasaliadas.org/articles.asp?art=7463
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